
Henry Purcell
Dido and Aeneas - Didon et Énée
opéra en un prologue et trois actes
du 20 au 26 février 2025
Direction musicale | Emmanuelle Haïm |
Mise en scène | Franck Chartier (Peeping Tom) |
Chorégraphie | Franck Chartier (Peeping Tom) |
Scénographie | Justine Bougerol |
Costumes | Anne-Catherine Kunz |
Lumières | Giacomo Gorini |
Conception sonore | Raphaëlle Latini |
Dramaturgie | Clara Pons |
Direction des chœurs | Mark Biggins |
Chef de chant | Benoît Hartoin |
Collaboratrice artistique | Eurudike De Beul |
Didon | Marie-Claude Chappuis |
La magicienne | Marie-Claude Chappuis |
Un esprit | Marie-Claude Chappuis |
Énée | Jarrett Ott |
Un marin | Jarrett Ott |
Belinda | Francesca Aspromonte |
Seconde sorcière | Francesca Aspromonte |
Deuxième dame | Yuliia Zasimova |
Première sorcière | Yuliia Zasimova |
Composition et direction des musiques additionnelles Atsushi Sakaï
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre du Concert d’Astrée
Création et performance par les artistes de Peeping Tom
En coproduction avec l’Opéra de Lille,
Les Théâtres de la ville de Luxembourg
Didon et Énée (2024)
Grand Théâtre de Genève
Vos critiques
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Revue de presse
Genf, Grand Théâtre, DIDO AND AENEAS
Peter Michael Peters – ioco.de - 1 mars 2025
source: https://www.ioco.de/genf-grand-theatre-dido-and-aeneas-h-purcell-ioco/
Hin- und hergerissen zwischen Phantasmagorie und Musik…
Purcells Oper, wurde neu interpretiert von dem belgischen Tänzer, Choreografen und Regisseurs Franck Chartier mit seiner irren oft stolpernden verrückten Truppe Peeping Tom, wird ihre Pracht und ihre Irrwege live auf der Bühne wierdergeben.
Nennen wir die Show der Peeping Tom-Kompanie einfach Dido, weil es sich um eine Neuinszenierung des berühmten Werkes von Purcell handelt. Vergessen wir den Namen des englischen Komponisten von Dido and Aeneas, denn bei diesem Originaltitel spielt sich eine überarbeitete Geschichte zwischen der zarten Musik von Purcell und den klanglichen Ergänzungen des japanischen Komponisten [sic!] Atsushi Sakai und Chartier ab. Das heißt, die Umwandlung in eine kollegiale Form verdoppelt die Zeit der üblichen Darstellung. Und reißt es völlig aus seinem erzählerischen Rahmen!
Was also finden wir auf der Bühne des Grand Théâtre, vier Jahre nach der Uraufführung dieser Produktion ohne Publikum, die aufgrund der Pandemie per Streaming übertragen wurde? Dasselbe Spektakel mit einer über das Übliche hinausgehenden ästhetischen und symbolischen Kraft, gezeichnet vom Lauf der Zeit und einer angenommenen Radikalität.
Eine gemeinsame Sprache…
Der Schock der letzten Bilder, zwischen morbiden rieselndem Sand und rauchigem rauen Blick auf eine Welt des Terrors, hat natürlich nichts von seiner Wirkung verloren. Auch nicht die komplizenhafte Zusammenarbeit zwischen der französischen Dirigentin Emmanuelle Haïm und dem Klangmacher Sakai, die vor den beeindruckenden Musikern des Concert d’Astrée abwechselnd den Taktstock übernehmen. Ihr Einverständnis verbindet auf natürliche Weise das antike Universum, das von der französischen Dirigentin zum Leben erweckt wird und die Klangatmosphären, die vom kreativen Cellisten und Komponisten hinzugefügt werden.
Das musikalische Vorhaben war allerdings nicht sehr offensichtlich. Seine Stärke liegt jedoch in der langjährigen Partnerschaft zwischen den beiden Mitbegründern von den Concert d’Astrée aus Lille. Ein Vierteljahrhundert gemeinsamer Arbeit schafft mehr als nur Bindungen: Es entsteht eine gemeinsame Sprache. Die flexible Aufteilung der Bühne ist hierfür ein perfektes Beispiel.
Und dann ist da noch das bedrückende Dekor der belgischen Szenografin Justine Bougerol. Den imposanten bürgerlichen Innenraum zieren Ahnenporträts! Der Raum, der im Innenhof von einem riesigen ungemachten Bett flankiert und von einem vom Chor besetzten Parlamentsgericht dominiert wird, fängt die Handlung und die Charaktere ein. Intim- und Sozialleben, Liebe und Macht verflechten sich schutzlos. In dieser erstickenden Welt durchziehen Dunkelheit und Katastrophe die Show auf dem sehr filmischen und beunruhigenden Soundtrack des japanischen Komponisten.
Eine beeindruckende Szenografie…
Schließlich ist da noch das Bühnenkonzept, das die Verlassenheit und den Tod Didos in einem Eintauchen in die Tiefen der Psyche der Protagonistin nachvollzieht. Mit welcher Kunstfertigkeit? Die Sänger sind in zwei Gruppen aufgeteilt und von Schauspieler-Tänzern umgeben. Alles organisiert in stark eingeschränkten Bewegungen und ruckartigen verzerrten Choreographien. Die Wirkung ist verblüffend, manchmal sogar komisch – der endlose Fluss des Tees in Aeneas‘ überquellende Tasse. Aber wir verlieren uns oft im Labyrinth der Identitätsablenkungen!
Stellen wir uns vor: Eine reiche alte Frau und zugleich auch eine despotische Königin… ist besessen von Purcells Oper, die sie jeden Tag von einem Orchester spielen lässt. Schließlich identifiziert sie sich mit Didos Schicksal. Die „Didi“ der belgischen Schauspielerin Eurudike De Beul, gewissermaßen das Double der Dido, manipuliert ihr Gefolge von Bediensteten und erschafft imaginäre Charaktere, um ihre Fantasien, ihre Wut darüber, verlassen worden zu sein und ihren Schmerz über den Verlust eines Kindes zu befriedigen. Wer ist wer? Wofür? Wie? Der Verlust der Orientierung ist destabilisierend und die Flüssigkeit der Sprache gerät in Verwirrung!
Dennoch bleibt diese Neuinterpretation ein phantasmagorisches Schauspiel von wahnwitziger Intensität, das die schweizerische Mezzo-Sopranistin Marie-Claude Chappuis als verlorene Dido vermenschlicht und abschwächt, neben dem warm klingenden Aeneas des amerikanischen Bariton Jarret Ott, die italienische Sopranistin Francesca Aspromonte ist eine frische und klare Belinda, zugleich Hofdame und Zweite Hexe und die ukrainische Sopranistin Yuliia Zasimova, eine sehr ausgeglichene Erste Hexe und Zweite Dame. Letztlich widersteht Purcell der Schockbehandlung und beleuchtet und erhellt dieses Theater des Zusammenbruchs zeitweise…
Didon et Énée à Genève
Emmanuel Andrieu – ClassicNews – 26 février 2025
source: https://www.classiquenews.com/critique-opera-geneve-grand-theatre-du-20-au-26-f…
Après des études d’histoire de l’art et d’archéologie à l’université de Montpellier, Emmanuel Andrieu a notamment dirigé la boutique Harmonia Mundi dans cette même ville. Aujourd’hui, il collabore avec différents sites internet consacrés à la musique classique, la danse et l’opéra - mais essentiellement avec ClassiqueNews.com dont il est le rédacteur en chef.
Victime de la fermeture des théâtres durant la pandémie de Covid-19, Didon et Énée de Henry Purcell, présenté en streaming en mai 2021, a finalement retrouvé le public du Grand-Théâtre de Genève. Cette production, dirigée par Emmanuelle Haïm et mise en scène par Franck Chartier (de la célèbre compagnie belge Peeping Tom), est l’une des rares à avoir survécu aux contraintes sanitaires. Si le spectacle avait été salué lors de sa diffusion en ligne, sa réception en salle révèle une expérience sensiblement différente, voire déroutante.
Franck Chartier propose une relecture audacieuse de l’œuvre de Purcell, où l’opéra devient un « décor » pour une pièce de théâtre centrée sur les personnages de la troupe Peeping Tom. Les protagonistes de l’opéra, comme Didon et Énée, apparaissent en arrière-plan, presque ébauchés, tandis que les danseurs-comédiens de Peeping Tom occupent le devant de la scène. Leur performance, mêlant danse, théâtre et éléments circassiens, est remarquable, bien que parfois déconcertante. Des scènes insolites, comme une jeune femme versant du thé dans une tasse trop petite ou un violoncelliste recouvert de mousse, captivent autant qu’elles perturbent.
La musique de Purcell, interprétée par Le Concert d’Astrée sous la direction d’Emmanuelle Haïm, est magnifiquement exécutée. Cependant, elle est entrecoupée par des compositions additionnelles d’Atsushi Sakaï, qui créent une ambiance post-classique et dissonante. Ces interludes, bien que poétiques, nuisent à l’unité de l’œuvre originale. L’air final de Didon, « When I am laid in earth », perd ainsi une partie de son émotion, noyé dans une scène apocalyptique de corps dénudés et de lumières éblouissantes.
Les chanteurs, pourtant excellents, semblent relégués au second plan. Marie-Claude Chappuis (Didon) déploie un chant soyeux et noble, mais sa présence scénique est amoindrie par une mise en scène qui privilégie les danseurs. Jarrett Ott (Énée) et Francesca Aspromonte (Belinda) brillent vocalement, mais leurs rôles manquent de direction d’acteurs, les rendant presque anonymes. Le Chœur du Grand Théâtre de Genève, quant à lui, impressionne par sa précision et sa musicalité, bien qu’il soit utilisé davantage comme un élément visuel que musical.
La production de Chartier est ambitieuse, mêlant théâtre, danse et opéra dans un spectacle visuellement époustouflant. Cependant, cette déconstruction de l’œuvre de Purcell laisse certains spectateurs perplexes. Les ajouts scéniques et musicaux, bien que poétiques, éloignent l’auditeur de l’intrigue originale et de la psyché des personnages. Les amateurs d’opéra traditionnel pourront se sentir décontenancés par cette vision transgressive, où l’œuvre de Purcell sert de prétexte à une exploration onirique et mélancolique, mais l’expérience vaut vraiment la peine d’être vécue !
Vouée aux sables du temps
Pierre Venissac – ForumOpera.com – 25 fevrier 2025
source: https://www.forumopera.com/spectacle/purcell-didon-et-enee-geneve/
Il est des productions qui nous coupent le souffle autant qu’elles nous laissent perplexes, qui nous émeuvent autant qu’elles nous frustrent. À la sortie du Grand Théâtre de Genève ce soir, beaucoup de spectateurs semblent avoir du mal à analyser ce qu’ils ont vu, partagés entre la forte impression d’un spectacle unique et la déception vis-à-vis de certaines attentes. Ce genre d’expérience nous rappelle qu’on ne peut pas toujours avoir un sentiment clair et unique sur une création artistique, et qu’il est bon signe pour le monde de l’art d’être encore capable de surprendre.
Commençons par le plus évident : c’est une nouvelle œuvre, construite autour du Didon et Énée de Purcell, que nous avons découverte ce soir. La narration de Nahum Tate se trouve en effet intégrée à un récit plus contemporain, probablement co-écrit par le metteur en scène Franck Chartier (chorégraphe, directeur artistique de la compagnie Peeping Tom), et la dramaturge Clara Pons. Il faut donc rajouter à la durée de la musique de Purcell l’équivalent en scènes théâtrales et chorégraphiques, sur de nouvelles compositions d’Atsushi Sakai, violoncelliste du Concert d’Astrée. Les deux univers musicaux se succèdent ainsi en continu. Rappelons que, bien que ce geste puisse paraître irrévérencieux, l’idée du devoir de fidélité littérale à la partition fait moins sens pour Didon et Énée que pour d’autres opéras. La structure musicale qu’on connaît est en effet une construction partiellement anachronique, qui repose sur un manuscrit postérieur de plus d’un siècle à la date de création, avec une bonne partie de la musique perdue. Une source indique même qu’il aurait pu s’agir d’un masque, soit un genre typique de l’Angleterre du XVIIe, dans lequel les scènes musicales et chorégraphiques sont intercalées dans des scènes dramatiques.
Visiblement construit main dans la main entre la mise en scène et la direction musicale, le spectacle a d’abord pour lui une grande cohérence, ce qui n’était pas donné avec un tel dispositif. Le mérite en revient notamment à la musique de Sakai, qui a pour première qualité de ne pas chercher à concurrencer celle de Purcell, et d’être avant tout une musique de scène très efficace. D’inspiration contemporaine, notamment cinématographique, elle évite la rupture en se construisant autour d’éléments baroques et issus de la partition, comme le chromatisme de la lamentation finale. La dramaturgie globale est aussi très réussie, et nous fait complètement adhérer à cette nouvelle histoire, celle d’une vieille reine veuve, acariâtre et au bord du délire, qui voudrait pouvoir s’abandonner à la sensualité alors que le peuple et les éléments naturels sont proches de s’attaquer au palais. Une nouvelle histoire ? Pas tant que ça, on le voit, car cette reine est en fait un double de Didon, en plus psychanalysé, plus contemporain, et moins digne. La musique de Purcell est pour elle un réconfort quotidien, autant qu’un objet de fantasme. Ainsi, les scènes de l’opéra original sont-elles d’abord représentées comme du simple théâtre dans le théâtre, interprété par des serviteurs, et petit à petit, elles deviennent des visions, des rêves, jusqu’à une dernière partie hallucinée. Tout ceci est fait avec un ton assez étonnant, parfois totalement burlesque, parfois tragique, le tout dans une sorte de dernier délire avant l’agonie. Il semble y avoir un goût pour l’hybride, qui se justifie en même temps par le cauchemar ambiant, le surréalisme qui envahit petit à petit la scène. C’est cette lente progression qui nous convainc le plus d’ailleurs, après un début assez inconfortable qui nous faisait presque nous demander si on n’était pas dans une caricature misogyne, le temps de comprendre toute la complexité donnée au rôle. Une fois que l’aspect politique et la menace de l’extérieur entrent en jeu, on abandonne toute réticence pour se laisser porter.
Franck Chartier a assurément beaucoup de métier, et on le voit par sa capacité à trouver des astuces scéniques pour un effet immédiatement saisissant et surprenant, que ce soit pour aller dans le sens du spectaculaire ou du comique. Certaines images nous hantent encore par leur force émotionnelle, grâce aussi à la scénographie dystopique de Justine Bougerol et aux lumières de Giacomo Gorini. Cette chambre-parlement est un personnage à part entière, comme une représentation physique de la psyché de cette reine en déchéance, progressivement mise à mal par la pression extérieure. Il y a aussi une poésie moins impressionnante, mais très douce, notamment lorsque le pendant théâtral d’Énée (Romeu Runa) capture la musique dans ses mains. Et en même temps, c’est un spectacle devant lequel on rit volontiers, grâce notamment à un personnage muet de servante (Yi-Chun Liu) dont on se contentera de dire qu’elle a une façon bien à elle d’exercer son métier. Contrairement à d’autres productions à concept, l’ambition émotionnelle et intellectuelle n’empêche pas ici l’auto-dérision. Eurudike De Beul en reine sur le déclin n’a rien d’une héroïne sublime, c’est même plutôt un personnage minable, antipathique, mais qui devient tragique par l’état du monde autour d’elle.
Notre grande réserve sur le spectacle est que, si on le trouve passionnant et très cohérent en y réfléchissant, en ayant préalablement lu les notes d’intention, et en connaissant bien l’œuvre, on se demande ce qu’a pu en comprendre un spectateur moins informé. Il y a une telle abondance d’idées, qu’on a parfois l’impression que certaines ne font que rajouter de la confusion sans apporter grand-chose à un spectacle déjà très riche. La seconde trame narrative, celle de Nahum Tate, semble parfois encombrer un spectacle qui a du mal à définir ce qu’il veut faire des chanteurs, notamment des seconds rôles. Qui ne connaît pas l’histoire de Didon et Énée ne la connaîtra pas davantage après ce spectacle, ou très vaguement. Il y aussi plusieurs pistes lancées sans être approfondies, comme une nouvelle couche de méta lorsqu’Eurudike De Beul dit « tu sais, j’ai été chanteuse moi aussi » ou qu’elle demande à Atsushi Sakai d’arrêter sa « daube contemporaine ». Enfin, la piste psychanalytique sur l’absence de maternité, en plus d’être d’un autre temps, est assez maladroitement amenée. L’activité permanente sur scène, pour virtuose qu’elle soit, a aussi de quoi perdre facilement le spectateur, avec cette division permanente en au moins trois espaces distincts.
Et la musique dans tout ça ? Comme dit précédemment, Emmanuelle Haïm, à la tête de son Concert d’Astrée, semble s’être entendue avec Franck Chartier pour une interprétation commune. Le résultat est assez déroutant, et serait peut-être même décevant dans une version traditionnelle de l’opéra. Avec des tempi souvent plus lents que d’habitude, notamment dans les passages légers, elle donne une lecture affligée dès le début, résolument fataliste. Peu de rebond, assez peu de jeu rythmique, mais une ligne continue, soutenue, emplie de tragique. Ainsi, les airs joyeux semblent totalement ironiques, du fait d’un tempo qui empêche l’ornementation de donner le sentiment de vivacité habituel. Cette interprétation fait la part belle à une émotion assez pure, grâce au soin délicat apporté à la ligne de basse, à l’harmonie et à la ligne mélodique. Il est intéressant de la mettre en contrepoint avec celle gravée par le même ensemble en 2003, assez radicalement différente. Disons quand même qu’en dépit de toute sa beauté sonore, l’ensemble met du temps à se mettre en place ce soir, paraissant un peu désordonné dans les mouvements plus allants. Il se rattrape ensuite pour laisser avant tout le souvenir d’une version ample et résignée.
Pour une fois, les chanteurs sont ce que l’on retient le moins du spectacle, non pas que leur talent ou leur investissement soit à remettre en cause, mais dans cet univers très chorégraphique, leur présence plus statique les relègue au second plan. Marie-Claude Chappuis est probablement une très délicate Didon dans une version traditionnelle : la voix n’est pas irréprochable ce soir, avec des passages de registre assez audibles, mais pourvue d’une agréable clarté, et l’artiste est suffisamment fine pour utiliser ses fragilités comme un atout expressif. Sa disparition est une des grandes réussites de la soirée, très élégamment phrasée. Il faut simplement accepter ce choix d’une Didon affligée dès le début et peu combative, avec un « Ah ! Belinda » très lent. On a cependant du mal à comprendre le personnage qu’on veut lui faire jouer. Surtout, c’est pour nous une grande erreur de lui faire chanter le rôle de Sorceress, très éloigné de sa vocalité et de celle du rôle de Didon. N’ayant pas l’aisance dans le grave, ni tout à fait la palette d’effets requis pour ce rôle, ses interventions manquent d’impact. Il s’agit là d’une intention scénique à laquelle la direction musicale aurait du s’opposer selon nous.
Jarrett Ott, qui chante Énée et le Marin, est celui qui tire le mieux son épingle du jeu. Excellent comédien, il est toujours à la juste place, aussi bien à l’aise dans la nonchalance british assez drôle qu’on lui donne à jouer en première partie que dans le personnage tragique qu’il devient par la suite. Soulignons également l’investissement qu’il met dans le texte, qui contribue grandement à l’expressivité de son chant dans sa dernière intervention : nous aurions aimé entendre ce même soin apporté à la langue chez les autres solistes. Ce n’est pas une question de prononciation, mais bien d’appropriation, et de construction. Si sa première intervention ne lui donne pas l’occasion de briller musicalement, on apprécie par la suite une belle voix de baryton, ample mais disciplinée, et surtout un grand professionnalisme dans son intégration au spectacle.
Francesca Aspromonte et Yuliia Zasimova sont deux très bonnes sopranos, plutôt légères, à l’aise avec l’ornementation et le style baroque. La première se distingue par une voix ronde et colorée, un peu plus lyrique, mais peut manquer de relief et de nuances, là où la deuxième paraît plus inventive. Elles se partagent les rôles des deux suivantes et des deux sorcières, assez sacrifiés par la mise en scène, même pour Belinda. Là encore, ce n’est pas forcément une idée très heureuse, car même si elles s’en sortent très honorablement et sans se mettre en danger, les rôles de Second Woman et Second Witch sont un peu centraux pour leur tessiture respective. On attend de les revoir dans d’autres productions pour connaître leur potentiel scénique, dont on ne peut vraiment pas se faire une idée ce soir.
Enfin, un personnage que nous n’avions pas encore mentionné, mais qui a une importance capitale dans la mise en scène : le Chœur du Grand Théâtre de Genève, préparé par Mark Biggins. Disposés en hauteur, ils forment un parlement au-dessus de la chambre de la reine, explicitant avec violence l’intrication entre vie privée et vie d’État, la dirigeante n’ayant pas un moment d’intimité. La seule à s’abandonner, Marie (équivalent de Belinda, interprétée par une formidable Marie Gyselbrecht) sera d’ailleurs violemment châtiée. Omniprésents, ils forment une masse oppressante et assez effrayante, sans même avoir besoin d’agir, grâce à la réussite de la scénographie, encore une fois. Du fait de leur statisme, leurs interventions sont assez univoques, apparaissant à chaque fois comme des sentences, mais il faut saluer l’homogénéité de l’ensemble, sa puissance et le travail évident sur les consonnes. « With drooping wings ye Cupids come », ultime moment de douceur après le chaos de la dernière partie, clôt avec délicatesse une soirée forte en émotions.
Peut-être qu’en France, un tel spectacle n’aurait pas dû s’appeler « Didon et Énée » : on se souvient que la Flûte Enchantée de Castellucci avait été donnée à Lille avec un titre légèrement modifié. À vrai dire, passée la perplexité des premières minutes, on ne se pose plus la question, tant ce que l’on voit est toujours au service de la beauté et du sens. Ce n’est peut-être pas le Didon et Énée de Purcell et Tate, mais l’œuvre originale n’existe à vrai dire que dans l’esprit des auteurs, il s’agit d’une chimère qu’on peut approcher mais jamais atteindre totalement. En revanche, c’est bien un Didon et Énée, avec un discours personnel et stimulant sur cette histoire, sur ce personnage féminin. Si la représentation peut s’avérer frustrante pour les quelques raisons que nous avons déjà détaillées, elle nous offre aussi quelque chose que l’on expérimente assez rarement : le choc esthétique dont on ne comprend pas exactement comment il vient à nous. Pour cela, et pour toute la matière à réflexion qu’offre cette production, on ne peut que recommander au spectateur curieux d’aller la découvrir, en acceptant de se laisser surprendre et de ne pas tout comprendre.
Quand Purcell se perd dans le sable
Claudio Poloni - concertonet.com – 25 février 2025
source: https://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=16789
Didon et Enée de Purcell est actuellement à l’affiche à Genève, dans une production qui aurait dû être présentée en mai 2021, mais la pandémie en a alors décidé autrement. Si le Grand Théâtre voulait être tout à fait honnête, il devrait préciser sur ses affiches « spectacle d’après Purcell », tant ce qui se passe sur scène n’a absolument rien à voir avec le chef‑d’œuvre du compositeur britannique. Tromperie sur la marchandise ? Oui, clairement. Estimant la durée de l’ouvrage un peu courte (50 minutes), le metteur en scène Franck Chartier et son collectif de danseurs Peeping Tom ont décidé de compléter l’action par une intrigue parallèle et de saucissonner la partition en l’entrecoupant de scènes parlées et dansées qui se déroulent sur des compositions d’Atsushi Sakaï, violoncelliste et membre du Concert d’Astrée, lequel dirige l’orchestre pour ces musiques additionnelles, quand il n’est pas sur scène à jouer de son instrument.
Une riche veuve d’un certain âge – incarnée par la comédienne Eurudike De Beul, confondante de présence et d’engagement – inconsolable depuis la mort de son mari, tombe amoureuse de l’un de ses domestiques récemment arrivé à son service en compagnie de son fils. Se prenant pour la reine Didon, elle demande à ses serviteurs de jouer sans cesse l’opéra de Purcell, ce qui permet aux deux histoires de se recouper. Le spectacle se joue dans un décor oppressant sur deux niveaux : en bas, la chambre à coucher de la riche veuve, constituée de trois parois de bois, dont l’une est jalonnée de fenêtres donnant sur la mer ; en haut, un parlement ou un tribunal dont les estrades sont occupées par les choristes. A l’acte II, on le sait, une magicienne décide de contrarier les amours de Didon et Enée en déclenchant un orage. Ici, elle arrache une prise électrique et du trou dans la boiserie va se déverser du sable, toujours en plus grande quantité. Le sable arrive aussi des fenêtres et des cintres et va recouvrir tout le plateau. A la fin, Didon se couche sur le sol avant de s’enfoncer lentement sous le sable puis disparaître complètement. En soi, les images sont superbes, de toute beauté, et les prestations des danseurs tout simplement époustouflantes, nous assistons à un spectacle total, avec des musiques qui subliment le mystère et la tension.
Le hic, on l’a dit, c’est que le spectacle n’a rien à voir, ou si peu, avec Didon et Enée. La musique de Purcell est charcutée et on a clairement l’impression que le metteur en scène ne s’en est servi que comme un prétexte pour nous montrer tout autre chose. Le chant et la musique sont réduits à la portion congrue. Les spectateurs venus pour écouter l’ouvrage du compositeur britannique sont frustrés. Le procédé frise la malhonnêteté. Ce faisant, Aviel Cahn, directeur de l’institution lyrique genevoise, ne fait du bien ni à l’opéra en général ni au Grand Théâtre en particulier : la salle était loin d’être pleine au début de la représentation et plusieurs spectateurs l’ont quittée en cours de soirée.
On se demande également ce que sont venus faire les musiciens et les chanteurs dans cette galère. Comment Emmanuelle Haïm, qui connaît si bien la partition de Purcell, pour l’avoir aussi enregistrée, a‑t‑elle pu accepter un tel saucissonnage ? Quoi qu’il en soit, les transitions entre les musiques additionnelles et celle de Purcell sont parfaitement fluides et Le Concert d’Astrée se montre brillant, confondant tout à la fois de précision et de sensibilité. Le Chœur du Grand Théâtre de Genève émerveille, quant à lui, par son chant généreux et engagé. Le plateau vocal est homogène et de haute tenue : on admire la Belinda espiègle au chant lumineux de Francesca Aspromonte et l’Enée élégant au timbre charnu de Jarrett Ott, dommage simplement que son rôle soit si court. Marie‑Claude Chappuis incarne une Didon toute de douceur et de fragilité, très intériorisée, aux demi‑teintes particulièrement évocatrices. Son « Remember me » final est bouleversant d’émotion ; rien que pour ces cinq dernières minutes, le spectacle vaut le déplacement, malgré tout.
Quand Purcell se perd dans le sable
Claudio Poloni - concertonet.com – 25 février 2025
source: https://www.concertonet.com/scripts/review.php?ID_review=16789
Didon et Enée de Purcell est actuellement à l’affiche à Genève, dans une production qui aurait dû être présentée en mai 2021, mais la pandémie en a alors décidé autrement. Si le Grand Théâtre voulait être tout à fait honnête, il devrait préciser sur ses affiches « spectacle d’après Purcell », tant ce qui se passe sur scène n’a absolument rien à voir avec le chef‑d’œuvre du compositeur britannique. Tromperie sur la marchandise ? Oui, clairement. Estimant la durée de l’ouvrage un peu courte (50 minutes), le metteur en scène Franck Chartier et son collectif de danseurs Peeping Tom ont décidé de compléter l’action par une intrigue parallèle et de saucissonner la partition en l’entrecoupant de scènes parlées et dansées qui se déroulent sur des compositions d’Atsushi Sakaï, violoncelliste et membre du Concert d’Astrée, lequel dirige l’orchestre pour ces musiques additionnelles, quand il n’est pas sur scène à jouer de son instrument.
Une riche veuve d’un certain âge – incarnée par la comédienne Eurudike De Beul, confondante de présence et d’engagement – inconsolable depuis la mort de son mari, tombe amoureuse de l’un de ses domestiques récemment arrivé à son service en compagnie de son fils. Se prenant pour la reine Didon, elle demande à ses serviteurs de jouer sans cesse l’opéra de Purcell, ce qui permet aux deux histoires de se recouper. Le spectacle se joue dans un décor oppressant sur deux niveaux : en bas, la chambre à coucher de la riche veuve, constituée de trois parois de bois, dont l’une est jalonnée de fenêtres donnant sur la mer ; en haut, un parlement ou un tribunal dont les estrades sont occupées par les choristes. A l’acte II, on le sait, une magicienne décide de contrarier les amours de Didon et Enée en déclenchant un orage. Ici, elle arrache une prise électrique et du trou dans la boiserie va se déverser du sable, toujours en plus grande quantité. Le sable arrive aussi des fenêtres et des cintres et va recouvrir tout le plateau. A la fin, Didon se couche sur le sol avant de s’enfoncer lentement sous le sable puis disparaître complètement. En soi, les images sont superbes, de toute beauté, et les prestations des danseurs tout simplement époustouflantes, nous assistons à un spectacle total, avec des musiques qui subliment le mystère et la tension.
Le hic, on l’a dit, c’est que le spectacle n’a rien à voir, ou si peu, avec Didon et Enée. La musique de Purcell est charcutée et on a clairement l’impression que le metteur en scène ne s’en est servi que comme un prétexte pour nous montrer tout autre chose. Le chant et la musique sont réduits à la portion congrue. Les spectateurs venus pour écouter l’ouvrage du compositeur britannique sont frustrés. Le procédé frise la malhonnêteté. Ce faisant, Aviel Cahn, directeur de l’institution lyrique genevoise, ne fait du bien ni à l’opéra en général ni au Grand Théâtre en particulier : la salle était loin d’être pleine au début de la représentation et plusieurs spectateurs l’ont quittée en cours de soirée.
On se demande également ce que sont venus faire les musiciens et les chanteurs dans cette galère. Comment Emmanuelle Haïm, qui connaît si bien la partition de Purcell, pour l’avoir aussi enregistrée, a‑t‑elle pu accepter un tel saucissonnage ? Quoi qu’il en soit, les transitions entre les musiques additionnelles et celle de Purcell sont parfaitement fluides et Le Concert d’Astrée se montre brillant, confondant tout à la fois de précision et de sensibilité. Le Chœur du Grand Théâtre de Genève émerveille, quant à lui, par son chant généreux et engagé. Le plateau vocal est homogène et de haute tenue : on admire la Belinda espiègle au chant lumineux de Francesca Aspromonte et l’Enée élégant au timbre charnu de Jarrett Ott, dommage simplement que son rôle soit si court. Marie‑Claude Chappuis incarne une Didon toute de douceur et de fragilité, très intériorisée, aux demi‑teintes particulièrement évocatrices. Son « Remember me » final est bouleversant d’émotion ; rien que pour ces cinq dernières minutes, le spectacle vaut le déplacement, malgré tout.
Ginevra, Grand Théâtre – Dido and Æneas
Federico Capoani -Connessi all’opera – 24 février 2025
source: https://www.connessiallopera.it/recensioni/2025/ginevra-grand-theatre-dido-and-…
La breve durata di Dido and Æneas di Henry Purcell, una cinquantina di minuti scarsa, fa sì che, nella maggior parte dei cartelloni, la più nota pagina del barocco inglese venga proposta in double bill, in abbinamento a un altro melodramma di analoga lunghezza. Spesso, gli accostamenti sono piuttosto arditi, creando dialoghi tra il Seicento e la musica del Novecento: e abbiamo visto, ad esempio, Purcell affiancato a Kurt Weill o a Šostakovič. Al Grand Théâtre de Genève invece, per uno spettacolo previsto nella stagione 2021 e prodotto solamente in streaming, e ora riproposto finalmente dal vivo nel quadro del Festival Antigel, la rassegna ginevrina dedicata alle arti contemporanee, la scelta è invece stata quella di includere la musica di Purcell all’interno di un più ampio spettacolo teatrale curato dalla compagnia di danza belga Peeping Tom e punteggiato da composizioni originali di Atsushi Sakai.
Anche la direzione musicale della serata si svolge in alternanza: l’ensemble Le Concert d’Astrée, in buca, vede la bacchetta passare dalle mani di Emmanuelle Haïm per i brani di Purcell a quelle di Sakai (quando non si trova sul palco a suonare in scena il violoncello) per i brani di nuova composizione.
L’idea di Franck Chartier, che firma la regia dello spettacolo, è di presentarci una Didone (interpretata magistralmente dall’attrice Eurudike De Beul) come l’anziana e non più lucida regina di un mondo surreale, che vive nel ricordo e nella nostalgia di un amore perduto in gioventù ed è ossessionata dall’opera di Purcell, che esige essere eseguita ogni giorno da un’orchestra riconosciuta come “presente” all’interno della finzione teatrale e da quattro solisti che altro non sono che parte della servitù personale della nobildonna.
Insomma, è come se si reinserisse la recita di Didone ed Enea nel contesto forse originale di una masque di corte: e questo giustifica anche il ridotto numero di cantanti che sostengono ruoli multipli, anche tra loro antagonisti: chi canta la Didone di Purcell è anche la maga e lo spirito (un’allusione forse al fatto che la stessa Didone-attrice abbia invece allontantato il suo Enea volontariamente?), Belinda e la seconda dama sono anche le due assistenti dell’incantatrice, mentre Enea copre anche l’intervento del Marinaio.
L’idea di contestualizzare la vicenda di Didone ed Enea dentro un contenitore più ampio in cui dare libero sfogo all’estro surreale di Peeping Tom, i cui danzatori mostrano un incredibile controllo dei movimenti, non è di per sé malvagia, come d’altro canto gli interventi recitati, pur nella loro non sempre facile comprensione, sono ben costruiti con una sottile ironia, e le immagini che la scena offre sono sempre visivamente assai suggestive. La realizzazione tecnica è eccellente.
Il problema è nel bilanciamento: perché gli inserti sono, a conti fatti, più lunghi dell’opera originale e le interruzioni della partitura di Purcell così frequenti, che più che contestualizzata l’opera sembra invece annegata all’interno di scene che si ha l’impressione potrebbero essere risolte in un tempo assai minore, e che sembrano spesso prolungarsi inutilmente. Né molto aggiungono le nuove musiche: le sonorità concepite da Sakai non sono che un sottofondo alla recitazione e assomigliano prevalentamente a quella musica d’atmosfera in loop che si ascolta nei videogiochi horror: lunghi accordi dissonanti, qualche nota estrema negli acuti degli archi, rapidi interventi sinistri del controfagotto (in versione barocca, uno strumento-monstre lungo più di due metri!), una melodia modaleggiante del flauto dolce… Si saluta ovviamente la perizia degli orchestrali nell’eseguire su strumenti antichi un repertorio di epoca completamente differente, ma insomma la sensazione durante la maggior parte degli inserti è quella di impaziente attesa per il ritorno della musica di Purcell.
L’altro problema delle nuove musiche è, in realtà, il loro scarso dialogo con la partitura dell’opera, malgrado i brani di Purcell, spesso basati su semplici progressioni o sull’ostinato del ground bass si prestino con facilità ad “espansioni” ad esempio usando linguaggi più tipici del jazz sulla stessa base armonica. Non accade questo invece che una sola volta nell’arco di tutta la rappresentazione: i due piani restano allora così del tutto separati, non veramente integrati. Ed è un peccato, perché invece le coreografie di Peeping Tom sembrano essere azzecatissime nelle danze scritte da Purcell, e avrebbero tutto da guadagnare in loro prolungamenti che attraversino barriere temporali e stilistiche.
D’altro canto, il barocco di Emmanuelle Haïm, di solito assai vivace, percussivo e giocato su grandi contrasti sembra invece più spento, meno vigoroso rispetto a quel che siamo abituati: ma la diluizione del dramma ne riduce l’impellenza, rende tutto più lungo e più stanco. Anche per le voci la situazione è resa più complicata dalla discontinuità dell’azione e da una messinscena che relega i solisti a poco più che comparse sul palco. Marie-Claude Chappuis (Didone/la maga/lo spirito) fa valere una voce morbida e i cui gravi, pieni e caldi, sono messi in luce in particolare negli interventi dello spirito e della strega (in cui la cantante prova a differenziarsi dal ruolo di Didone esagerando i suoni consonantici). Se le agilità da innamorata («Whence could so much virtue spring») risultano precise e levigate, nei lamenti, compreso l’arcifamoso «When I am laid in earth», complice i tempi rallentati, i suoni nel registro acuto tendono invece a una certa asprezza: ma trasmette anche un senso di oppressione e di abbandono, che risalta in particolare nell’attacco, in pianissimo di «Peace and I are strangers grown».
La Belinda di Francesca Aspromonte (anche seconda maga) si distingue invece per la trasparenza delle agilità e per la chiarezza di «Pursue thy conquest, Love», mentre la più luminosa e giovanile Yuliia Zasimova (prima maga e seconda dama) offre un ottimo supporto negli assiemi delle dame e delle streghe, per quanto si trovi un po’ più in difficoltà in «Oft she visits».
Convince Jarrett Ott con il suo Enea imperioso e virile, forte di una voce da baritono profonda ma sempre chiara, utile anche nella chiamata militareggiante del marinaio, anche se la maledizione agli dèi («Yours, be the blame ye gods») potrebbe essere più partecipata.
Resta l’importante ruolo del coro del Grand Théâtre de Genève che la messinscena dispone su un balcone come membri di un parlamento che commenta la vita privata della regina. La distanza creata in questo modo non aiuta i contrasti dinamici e di articolazione né i dialoghi con i solisti, di cui il coro riprende spesso temi e parole. Ad esempio, lo staccato di «Cupid only throws the dart» è ben azzeccato, ma sempre sul limite dello scollamento: e in generale c’è sempre un deficit di immediatezza in un coro che dovrebbe avere caratteri quasi madrigalistici.
Insomma, la ricontestualizzazione di Dido and Æneas sarebbe una bella idea, se non ribaltasse i ruoli tra l’opera e il suo contorno, se non abusasse dei tempi, se non interrompesse così tanto la continuità della partitura. Meno interventi, più brevi e più centrati, avrebbero certamente aggiunto un livello di interesse teatrale: così invece, a parte le immagini certamente ben congegnate, e la bravura tecnica degli interpreti, Purcell resta ingabbiato in mezzo a troppo contenuto esterno, e a farne le spese sono innanzitutto i cantanti la cui esibizione sembra ridotta a un concerto interno a un altro dramma. Può «When I am laid» trasmettere fino in fondo l’idea di un lamento estremo se, al termine, chi canta Didone lascia semplicemente il palco? E resta la solita questione: si può scrivere sulla locandina il nome di un’opera che, in fondo, non è che un play within a play in un altro spettacolo?
Peccato, perché se solo la struttura attorno a Didone ed Enea fosse stata limitata, ad esempio, a un prologo e a degli intermezzi tra i diversi atti dell’opera originale, lasciando pur invariata la drammaturgia dello spettacolo (e levando, diciamo, una buona mezz’ora alle nuove musiche e scene), si sarebbe ottenuto un risultato assai migliore.
Le couronnement de Didon
David Verdier – AltaMusica.com – 25 février 2025
source: http://www.altamusica.com/concerts/document.php?action=MoreDocument&DocRef=7465…
Créé en 2021 lors de la crise sanitaire, ce magnifique Didon et Enée mis en scène par la compagnie belge Peeping Tom revient enfin sur la scène du Grand Théâtre de Genève. Ce spectacle complexe autant que fascinant s'inscrit parmi les plus belles productions de l'ouvrage, fruit d'une réflexion qui mêle chorégraphie et création musicale d’Atsushi Sakaï.
Franck Chartier et sa compagnie font de cet opéra de poche d'à peine cinquante minutes un véritable embarquement pour Cythère, voyage onirique et puissant que guide Emmanuelle Haïm et son Concert d'Astrée. La scène se divise en deux espaces qui séparent le chant de la parole, le théâtre de l'opéra, avec ce personnage de Didon changé en reine Didi qu'interprète l'actrice Eurudike De Beul.
La déception amoureuse projette son écho douloureux à travers une série d'images surréalistes autant que captivantes, avec un art chorégraphique porté à son sommet par les acteurs-danseurs du collectif Peeping Tom, capables de transformer l'heure du thé en calligraphie de gestes mobiles façon Buster Keaton (Yi-Chun Liu) ou bien dessinant à même le sol la syntaxe d'un corps devenu pulsation (Brandon Lagaert).
Point culminant de la soirée : ces montagnes de sable qui s'écoulent soudain des parois du décor, brisant les fenêtres ou tombant des cintres pour donner au When I am Laid in Earth une couleur dramatique d'une étrangeté troublante et magnifique tandis que le rideau de l'arrière-scène se soulève et laisse voir un horizon calciné vers lequel Énée transporte le corps d'Anchise comme au moment de fuir Troie en flammes. Au-dessus de la scène, le chœur observe le drame tel un tribunal céleste peuplé de Parques inquiétantes.
On retrouve en Didon une Marie-Claude Chappuis amoindrie par une projection un rien en deçà qui limite sa présence en scène en comparaison de la voix très contrastée de la Belinda (et Seconde Sorcière) de Francesca Aspromonte. Après Jacques Imbrailo dans la reprise lilloise, Jarrett Ott retrouve le rôle d'Enée qu'il chantait déjà lors de la création en 2021. Le phrasé est soutenu, sans être forcément très puissant mais avec une belle attention au texte et au jeu tandis que Yuliia Zasimova compose une Dame de compagnie et Première Sorcière très incarnée.
La fosse est dirigée conjointement par Emmanuelle Haïm, doublée par Atsushi Sakaï pour les parties musicales additionnelles. La matière musicale du Japonais crée une forme d'écrin sonore qui sert de support expressif à la danse et aux passages dialogués, contrastant avec le geste véhément et engagé d'Haïm, dont l'à-propos ne fait aucun doute dans une forme baroque qu'elle vivifie et renouvelle à chaque instant.
La mélancolie ensablée de Didon et Énée
Romain Daroles - bachtrack.com - 22 février 2025
source: https://bachtrack.com/es_ES/critique-didon-et-enee-chartier-peeping-tom-haim-co…
Didon et Énée de Purcell au Grand Théâtre de Genève, avec Emmanuelle Haïm et Franck Chartier aux commandes, c’est là une des dernières productions rescapées des années Covid-19. Donnée en streaming lors de la saison 2020-2021, la production est cette fois-ci présentée en vrai au public pour la première fois. On qualifiera volontiers cette production de monumentale, tant par son ambition que dans sa réalisation. Faire appel à Franck Chartier de la célèbre compagnie belge Peeping Tom, à l’une des références de l’interprétation baroque Emmanuelle Haïm, accompagnée de son orchestre Le Concert d’Astrée pour monter ce chef-d’œuvre, invitait assurément sur le papier à une proposition explosive. Mais il en va parfois des rencontres artistiques comme de certaines rencontres amoureuses, le surplus d’attente crée la déception.
Sur scène, s’offre à nous l’intérieur d’un château royal, habité par une reine en déshérence, incarnée par la comédienne Eurudike de Beul, double d’une Didon sur le tard, faite de souvenirs tenaces, de rancœurs macérées et de rêves de chant échoués. Dans la partie supérieure du décor, un hémicycle tient lieu de Chambre des lords où la reine-comédienne viendra y prononcer ses discours d’affection à son peuple, que figure l’excellent Chœur du Grand Théâtre. Tout autour d’elle s’affairent ses domestiques, un Énée idéalisé et une Belinda dévouée. Voilà pour la face A de l’action, la partie jouée, double d’une face B où, assis sur les fauteuils du salon de la chambre royale, ou en front de scène à d’autres moments, ou encore prenant part à quelques actions scéniques, évoluent les chanteurs, incarnant les personnages originaux de l’opéra.
Face A donc, tout le discours habituel de Peeping Tom fait de ces corps qui se contorsionnent au milieu d’une action réaliste, pour illustrer, prolonger ou déréaliser cette même action. C’est une forme d’absurde à la façon du metteur en scène suisse Christoph Marthaler, en plus expressionniste, plus maniéré, donc moins existentiel et plus superficiel sans doute. Certes l’humour et la poésie affleurent toujours, comme cette bulle narrative où Romeu Runa, fidèle de la compagnie belge, vient emprisonner dans la paume de ses mains la mélodie que chante Énée, le rendant muet. Celle-ci s’en échappe, tombe par terre, où un domestique l’écrase par inadvertance. Il se tourne vers Eurudike De Beul : « la mélodie est cassée ». Tout est très mélancolique dans ce monde finissant qui s’effrite et s’ensable.
Mais très vite, on parvient de moins en moins à relier l’histoire de Purcell – cette reine trouvant l’amour dans son héros de Carthage qui l’abandonnera par devoir – et toutes les digressions rajoutées ici. Les faces A et B s’alternent et deviennent toujours plus irréconciliables, opaques, jusqu’à nous perdre dans un surplus d’effets, de sketchs corporels et d’ajouts narratifs. Quand, dans la dernière séquence, le décor s’ouvre sur le retour/départ d’Énée ensanglanté, éclairé en contre-jour, présenté selon les codes du giallo, on sourit, certes, mais voilà déjà un moment qu’on a abandonné toute recherche de cohérence dramaturgique.
Aussi parce qu’entre les faces A et B, chaque retour musical à Purcell fait l’effet d’un coup d’épée dans l’eau. C’est une autre curiosité liée au projet : deux chefs pour un même pupitre. Emmanuelle Haïm (presque) toujours avec Purcell, Atsushi Sakai sur scène au violoncelle ou dirigeant dans la fosse ses compositions faites de longues plages de trémolos aux cordes, aux attaques marquées, musique très hollywoodienne, jouant à fond un suspens qui ne se résout jamais et s’épuise très vite. En face, Haïm ne reprend guère la balle au bond et entre les ralentis scéniques et les nappes musicales de Sakai, Purcell s’étiole et s’enlise progressivement dans des lambeaux musicaux certes très mélancoliques – là encore – mais anecdotiques. Ici, le fragment détourne de l’ensemble plus que de le susciter.
C’est même la musicalité générale de l’ouvrage qui en pâtit face à un projet scénique très esthétisant et grandiloquent, parfait dans sa réalisation mais qui en devient lisse, sans aspérité aucune. Les chanteurs ne sont plus que l’ombre de leur personnage, dessinés comme un souvenir, d’une beauté froide et lisse. Ainsi d’un Jarrett Ott pourtant tout à fait convaincant vocalement, dans son « O solitude ». Mais les chants passent sans nous marquer. Et quand Marie-Claude Chappuis en arrive à la tant attendue lamentation de Didon, la voix manque terriblement de soutien et de legato pour parvenir à passer la rampe émotionnelle.
En quittant le Grand Théâtre, le mot désincarné s’impose ; paradoxal pour un spectacle à ce point corporel et sur une musique à ce point charnelle.
Une vision éblouissante d'invention
Hélène Pierrakos - webtheatre.fr - 23 février 2025
source: https://www.webtheatre.fr/Une-vision-eblouissante-d-invention-du-chef-d-oeuvre-…
Le collectif belge Peeping Tom s’empare d’un pilier du répertoire lyrique sur un mode onirique et déjanté.
« Didon et Énée » Concentre un faisceau extraordinaire de qualités dramatiques, qui sont aussi des traits du génie spécifique de Purcell. Sur un livret de Nahum Tate, inspiré de l’épisode carthaginois de l’odyssée d’Énée dans l’Énéide de Virgile, Purcell compose une partition très dense, dont chaque séquence est d’une parfaite concision et dont la cohésion est d’autant plus frappante que la caractérisation très dessinée de chaque scène pourrait risquer de disperser l’attention de l’auditeur. En réalité, l’unité est assurée par deux modes musicaux particuliers : les grands ariosos de Didon, en monologue ou en dialogue avec sa confidente Belinda ou son amant Énée, et le retour périodique du chœur, toujours changeant dans ses fonctions et son allure. Celui-ci apparaît soit « en situation » (chœur des sorcières, de la suite royale de Didon ou des marins), soit en commentateur neutre du drame, comme le chœur antique dans la tragédie classique. L’action est réduite à peu de choses : l’amour mutuel de Didon et Énée se voit empêché à la fois par la raison d’État et le décret des dieux (Énée doit retourner à Troie et abandonner, bien malgré lui, Didon qu’il aime encore) et par l’action malfaisante de la Magicienne et de ses sorcières, faisant surtout office de messagères des mauvaises nouvelles.
Au point de vue stylistique, Purcell déploie un éventail très ouvert de moyens musicaux. De même que Monteverdi, il invente pour les rôles solistes un discours musical chargé d’affects et dont le modelé suit très étroitement le cheminement psychologique des héros. À cela s’ajoute une intéressante mise en valeur de la langue anglaise, de ses accents et de ses rythmes. On sent chez Purcell une véritable jubilation à répéter certains mots à la fois bien rythmés et chargés de sens – come away ! never, etc., en particulier dans les jeux d’imitations de certaines séquences chorales. Mais cet intérêt profond pour la vitalité des rythmes s’exprime par-dessus tout par le moyen de la danse, qu’elle soit effective – courtes scènes chorégraphiques – ou sous-jacente, comme on le perçoit très bien dans la configuration très vivante des thèmes mélodiques, les jeux de répétition, la référence plus ou moins voilée à des danses répertoriées, en général françaises (gavottes, gigues, etc.).
Magicienne et sorcières
Comme chez Monteverdi, la forme est ouverte, libre encore de ces schémas qui vont caractériser plus tard l’opéra : aria, récitatif, arioso. Selon ce qu’exige le texte, Purcell propose tel ou tel modelé, sans rupture si ce n’est celles qu’instaurent les interventions du chœur. De même que les ritournelles orchestrales qui succèdent aux grands solos ou dialogues, amplifiant et extrapolant les thèmes mélodiques des voix et leur donnant une conclusion pleine d’élévation, les chœurs apparaissent bien souvent comme un écho agrandi de tel ou tel propos exprimé d’abord par un soliste (deuxième suivante à quoi succède le chœur des suivantes au premier acte, Magicienne suivie du chœur des sorcières au deuxième acte ou marin suivi du chœur des marins au dernier acte).
Ce passage constant de l’individu au groupe, du microcosme extrêmement subtil de l’âme de Didon à l’énoncé plein de grandeur du chœur commentateur permet de laisser éclore quelque chose d’une mise en musique du mythe ou du moins d’un éternel humain. Dans L’Orfeo de Monteverdi, cette démarche était favorisée par la présence des personnages allégoriques (la Fortune, la Musique, l’Amour, etc.). Chez Purcell, rien de tout cela, mais une configuration de la langue musicale elle-même qui permet de percevoir, de façon à la fois éclatante et masquée, la dimension transcendante, surhumaine, d’un scénario humain, trop humain.
C’est peut-être en réfléchissant très assidûment à chacun de ces caractères de la partition de Purcell que le metteur en scène et chorégraphe Franck Chartier, également cofondateur du collectif belge Peeping Tom a pu imaginer une réalisation scénique aussi fascinante et aboutie que celle présentée au Grand Théâtre de Genève. Fascinante par la plongée qu’elle propose au spectateur/auditeur dans la psyché des personnages ; aboutie, en ce qu’elle suit chacun des sillons qu’elle a creusés jusqu’à leurs derniers retranchements. Le spectacle, disons-le d’emblée, se verra certainement contesté, voire honni par les tenants du respect dû à l’intégrité de la partition de Purcell. Peu importe, tant le metteur en scène, le compositeur associé (Atsushi Sakai, également violoncelliste, membre du Concert d’Astrée dirigé par Emmanuelle Haïm) et les interprètes imposent leur vision avec force et conviction, invention poétique et puissance dramatique. Pour le public, il faut accepter d’entrer dans un monde onirique, souvent oppressant, parfois terrifiant mais aussi réjouissant, où l’œuvre de Purcell est le socle d’une multitude de variations sensibles sur la mélancolie, le sentiment du deuil, le passage du temps et la vieillesse, l’amour vécu ou rêvé, la violence du pouvoir et la fragilité de l’individu, jusqu’à la fugacité de toute vie humaine, figurée par l’engloutissement final dans les sables, sur la scène du Grand Théâtre...
Se glisser dans les ellipses
La distorsion première infligée à l’œuvre originale (avec profit) est l’insertion d’un personnage supplémentaire : une femme âgée, dont on découvre d’abord la puissance et la tyrannie exercée sur ses serviteurs, puis la profonde mélancolie et la vulnérabilité – jusqu’à la mort dans la nudité exposée, poignante et vulnérable, dans la profonde humanité d’un corps lavé avec douceur et bienveillance par une femme plus jeune qui lui rend les derniers devoirs. Bien davantage qu’un double vieilli de Didon, cette figure permet de créer un espace très fertile autour du scénario bien connu de Didon et Énée. « Comment à la fois amplifier et dévier la musique, s’interroge Franck Chartier, comme si elle suivait la pensée d’un personnage ? Comment rentrer dans son monde, zoomer dans sa tête et ressortir de cette plongée avec la musique de Purcell ? » Au fond, nous assistons à une représentation de Didon, vue et entendue par le prisme de cette femme désormais bannie de la vie amoureuse, une veuve perdue dans ses souvenirs et qui tente de maintenir son pouvoir sur l’existence en tyrannisant le cercle de ses serviteurs.
Ce qui pourrait apparaître comme une énième idée de dédoublement du rôle-titre, comme nous y ont habitués certaines mises en scène d’inspiration plus banale, est au contraire éblouissant d’invention poétique et de force. Comme si les acteurs de cette production avaient cherché à utiliser les nombreuses ellipses qui marquent l’œuvre de Purcell en s’y glissant pour suivre, une à une, toutes les voies souterraines s’ouvrant à l’imaginaire. L’un des points forts de cette entreprise est la composition/improvisation, alternant avec la partition effective de Purcell, par Atsushi Sakai d’une série de séquences impressionnistes et dissonantes. Le musicien crée ainsi un univers sonore indécis mais très expressif, qui semble figurer toute la richesse de la psyché et mène l’auditeur dans une sorte d’opposé exact de la musique de Purcell. Celle-ci n’est ni rythmée, ni explicite, ni éclatante de méchanceté (la Magicienne et ses sortilèges maléfiques) ou de mélancolie (les affres vécus par Didon), mais au contraire ambiguë, dépressive par son imprécision temporelle et harmonique, ouvrant sur les noirs territoires de la folie.
Et en matière de folie, le spectacle dans son entier apparaît comme une entrée dans le monde du délire et de la psychose d’une très intense poésie. On ne citera que quelques exemples de ces visions hallucinées et très inspirées : l’une, au début du spectacle voit la présentation de multiples tenues, toutes noires et quasi semblables, que la femme âgée refuse une à une, parmi lesquelles apparaissent fugitivement des robes habitées par un personnage à la tête ballante, un mort suppose-t-on... Ou encore cette scène extraordinaire où l’une des actrices/danseuses du collectif Peeping Tom, l’extraordinaire Marie Gyselbrecht (qui s’était déjà livrée à une excentrique et jubilatoire variation sur le hurlement de détresse puis la fureur d’un chien au début de la pièce) s’élève dans les airs, actionnée par des cordes, après que les marins d’Énée ont évoqué les voiles hissées pour le départ. L’image, si forte, s’imprime dans l’imaginaire du spectateur, pour suggérer peut-être le supplice que représente, pour Didon, l’embarquement de son amant, supplice figuré par cette femme encordée que l’on hisse comme on hisse une voile...
Étrangement inclinés, bizarrement assis
Les six membres du collectif Peeping Tom sont tous extraordinaires : chacun d’eux se livre dans une ou plusieurs séquences-clé à des variations théâtrales et chorégraphiques de très haute volée : dans le désespoir et les pleurs, jusqu’à la crise psychotique de Romeu Nina, dans le désir et l’exaltation de Brandon Lagaert, dans la fantaisie et l’invention de Yi-chun Liu, alternant gestuelle hilarante ou pseudo-répétitive et plongée dans les ténèbres de l’angoisse. Quant à Eurudike de Beul, qui joue le rôle ajouté, elle a su conjuguer avec un talent remarquable la représentation de l’autorité inclinant vers la folie obsessionnelle et celle de la fragilité la plus émouvante. Sa parole, ses gestes, sa façon de tenir son corps, de l’habiller ou de le débrailler, la tonalité de sa voix et toutes ses variantes, sa présence scénique sont d’une immense actrice.
Éblouissante, également, toute la distribution musicale : le parti pris par la mise en scène est celui d’un dédoublement de Didon en la Magicienne, rôles chantés tous deux de façon magnifique, concentrée dans l’émotion comme dans la perfidie (également inspirée par les deux aspects) par Marie-Claude Chappuis ; même chose pour l’excellente Francesca Apromont qui interprète Belinda et la Deuxième sorcière et pour une interprète de toute beauté du rôle de la Deuxième dame, Yuliia Zasimova, qui chante aussi la Deuxième sorcière. « C’est le dédoublement de soi, explique Franck Chartier, le côté sombre de chacun de nous qui s’autodétruit, qui tue l’amour. » On a également pu apprécier le talent scénique et la grande beauté de la voix de Jarrett Ott, qui interprète le double rôle d’Énée et d’un marin. Le Chœur du Grand Théâtre de Genève s’est plié magnifiquement à une mise en scène exigeante qui fait de ses membres ceux d’une sorte de Parlement à l’anglaise, situé dans les hauteurs et qui semble pris dans les rets d’une autorité aveugle, surplombant les acteurs du drame mais soumis également aux variations du délire et de la folie. Selon les scènes et les aléas du scénario, on voit certains d’entre eux étrangement inclinés sur la droite, ou bizarrement assis, comme pris dans des pensées hallucinatoires...
L’excellent Concert d’Astrée, dont on ne vante plus les qualités, s’est également prêté au jeu d’une mise en scène dans la fosse. Emmanuelle Haïm dont on connaît bien le goût pour la musique de Purcell, parmi bien d’autres répertoires, a brillé de tous ses feux, avec à ses côtés (lorsqu’il n’apparaissait par sur scène avec son violoncelle, parfois exposé à tous les dangers – mousse recouvrant l’instrument et l’instrumentiste, entre autres) la présence à la tête de l’orchestre d’Atsushi Sakai en chef associé, dirigeant sa propre musique pour les séquénces ajoutées à la musique de Purcell. Une soirée d’exception !
Didon and Aeneas à Genève : toujours un grand spectacle
Guy Cherqui — wanderersite.com - 21 février 2025
source: https://wanderersite.com/opera/didon-and-aeneas-a-geneve-toujours-un-grand-spec…
Ayant longuement rendu compte de ce spectacle lors de sa présentation en 2021 devant une cinquantaine de spectateurs, je renvoie le lecteur à mon analyse d’alors, à laquelle je n’ai rien à ajouter, sinon que la production n’a rien perdu de sa fascination ni de son originalité, et qu’il faut résolument aller la voir car c’est une alliance heureuse d’univers, et une production complexe, qui touche au rêve, au fantasme, mais aussi au sens profond du mythe. C’est pour sûr une des plus heureuses idées d’Aviel Cahn dans son mandat genevois.
Pour me rafraichir la mémoire en vue de la désormais traditionnelle intervention à Léman Bleu.Tv le jeudi 20 février, j'ai pu exceptionnellement assister à la répétition générale
On retrouve Jarrett Ott en Enée (et en marin), avec sa voix chaude, et son phrasé impeccable, et Marie-Claude Chappuis toujours hiératique dans une production qui impose aux chanteurs une sorte de fixité presque absente, réduits à une présence dans une sorte de coin salon à jardin, sous la fenêtre, comme un espace intime du chant, où Enée (qui n’a pas trop à chanter) peut à loisir siroter un thé et où Didon chante Didon mais aussi son adversaire la magicienne : elle est comme un personnage unique en positif ou négatif, avec une sorte de détachement, comme si deux pôles se mélangeaient dans les rêves et fantasmes de Didi.
Marie-Claude Chappuis a ce caractère distancié, avec ce chant bien dessiné et ce timbre délicat, ne surjouant jamais, restant extrêmement pudique dans l’expression, bénéficiant d’un appui large favorisant un beau registre central
Belinda est nouvelle dans cette production, Francesca Aspromonte, au timbre très séduisant, à la voix claire et bien projetée, elle aussi douée d’un phrasé parfait, La technique très maîtrisée, le soin dans l’émission, le beau personnage sur scène achèvent une incarnation séduisante dans les limites permises par une mise en scène qui donne au chant un rôle de commentateur des gestes et mouvements et en fait un instrument de la magie globale.
Autre nouvelle venue, Yuliia Zasimova, membre du jeune ensemble dont nous avons déjà plusieurs fois noté la voix claire et fraîche, qui marque une jeunesse ici nécessaire dans une production où mémoire, souvenir, fantasme et maturité du personnage central (Didi) rendent quelquefois l’ambiance un peu étouffante, et cette voix aérienne donne un peu d’air.
Il faut de toute manière allier voir ce spectacle, qui montre qu’on peut explorer des possibilités théâtrales nouvelles sans trahir le propos et surtout en alliant humour et tragédie, intériorité et extériorité, ordre et désordre (entre le décor ordonné du début et la cataclysme final). C’est un tourbillon qui montre la force encore toute actuelle de ce mythe et l'invention d'une production qui reste largement imprimée dans le souvenir
Un «Didon et Enée» écartelé entre fantasmagorie et musiques
Sylvie Bonier – Le Temps - 21 février 2025
source: https://www.letemps.ch/culture/au-grand-theatre-de-geneve-un-didon-et-enee-ecar…
L’opéra de Purcell, revisité par Franck Chartier et sa compagnie Peeping Tom, vient rejouer en live ses splendeurs et ses errances sur la scène du Grand Théâtre
Appelons simplement Didon le spectacle proposé par la compagnie Peeping Tom de Franck Chartier, car il s’agit d’une recréation de l’opéra d’Henry Purcell. Oublions l’appellation Didon et Enée du compositeur anglais, car sur ce titre original, c’est une histoire révisée qui se joue, entre la musique délicate de Purcell et les ajouts sonores et théâtraux d’Atsushi Sakai et Franck Chartier. La transformation, collégiale, double le temps de la représentation habituelle, c’est dire. Et la fait totalement sortir de son cadre narratif.
Que retrouve-t-on donc sur la scène du Grand Théâtre, quatre ans après la première apparition de cette production sans public, et retransmise en streaming pour cause de pandémie? Le même spectacle, d’une puissance esthétique et symbolique hors normes, patiné par le passage du temps et une radicalité assumée.
Un langage commun
Le choc des images finales, entre ensablement morbide et ouverture enfumée sur un monde de terreur, n’a rien perdu de sa portée. Ni la collaboration complice de la cheffe Emmanuelle Haïm et du compositeur Atsushi Sakai, qui se relaient à la baguette devant les formidables musiciens du Concert d’Astrée. Leur connivence relie naturellement l’univers ancien, vitalisé par la cheffe française, et les ambiances sonores, ajoutées par le violoncelliste créateur.
Pourtant, le projet musical n’était pas évident. Mais sa force tient dans le partenariat de longue date entre les deux cofondateurs du Concert d’Astrée. Un quart de siècle de travail commun, cela tisse plus que des liens: un langage commun. Le partage souple de l’estrade en est la parfaite illustration.
Et puis il y a le décor oppressant de Justine Bougerol. L’imposant intérieur bourgeois est bardé de portraits d’ancêtres. Flanqué d’un vaste lit défait à cour et dominé par un parlement-tribunal occupé par le chœur, l’espace emprisonne l’action et les personnages. Vie intime et sociale, amour et pouvoir s’y entremêlent sans protection. Dans ce monde suffocant, la noirceur et la catastrophe traversent le spectacle sur la bande sonore très cinématographique et angoissante du compositeur.
Une scénographie saisissante
Il y a enfin le concept scénique, qui recompose l’abandon et la mort de Didon dans une plongée aux tréfonds de la psyché des protagonistes. Par quel artifice? Les chanteurs dédoublés et entourés d’acteurs-danseurs. Le tout organisé en déplacements hautement contraints et en chorégraphies saccadées et contorsionnées. L’effet est saisissant, parfois drôle – l’écoulement sans fin du thé dans la tasse débordante d’Enée. Mais on se perd souvent dans le dédale des détournements identitaires.
Imaginez: une vieille femme riche (reine despotique aussi…) est obsédée par l’opéra de Purcell, qu’elle fait jouer quotidiennement à un orchestre. Elle finit par s’identifier au destin de Didon. «Didi» manipule son entourage de serviteurs et crée des personnages imaginaires pour assouvir ses fantasmes, sa rage d’avoir été abandonnée et sa douleur du manque d’enfant. Qui est qui? Pourquoi? Comment? La perte des repères déstabilise et la fluidité du discours se heurte à l’égarement.
Néanmoins, cette relecture reste un spectacle fantasmagorique d’une intensité folle, que Marie-Claude Chappuis humanise et fragilise en Didon perdue, aux côtés de l’Enée au timbre chaud du baryton Jarret Ott, de Francesca Aspromonte (Belinda fraîche et claire, aussi dame d’honneur et deuxième sorcière) et Yuliia Zasimova (première sorcière et deuxième dame très équilibrée). Finalement, Purcell résiste au traitement de choc, illuminant et allégeant ponctuellement ce théâtre de l’effondrement.
Peeping Tom fait perdre la tête à Didon et Énée
Olivier Frégaville-Gratian d'Amore - loeildolivier.fr – 21 février 2025
source: https://www.loeildolivier.fr/2025/02/peeping-tom-fait-perdre-la-tete-a-didon-et…
Créé en 2021 pendant le confinement et présentée uniquement en streaming, l’opéra baroque de Purcell, par le collectif flamand, rencontre enfin son public, du 20 au 26 février 2025 au Grand Théâtre de Genève, dans le cadre du Festival Antigel. Un spectacle aussi déroutant que grandiose !
Seule œuvre de Henry Purcell considérée par les puristes comme un véritable opéra baroque, Didon et Énée s’inspire librement du chant IV de L’Énéide de Virgile. Troie n’est plus qu’un souvenir lointain. Énée, dernier prince de la cité antique, erre depuis sa fuite sur le pourtour méditerranéen. Il trouve enfin refuge à Carthage auprès de la reine Didon, qui tombe amoureuse de lui. Mais les dieux et des forces maléfiques ne voient pas cette union d’un bon œil. Leur sort est scellé : Énée doit partir pour l’Italie et fonder une nouvelle Troie (Rome), abandonnant une Didon mortellement désespérée.
Si Franck Chartier, metteur en scène de la compagnie Peeping Tom, respecte en substance la trame de l’histoire, il propose une relecture détonante, voire extrêmement audacieuse, du livret de Nahum Tate. S’intéressant à la psychologie des personnages, il plonge dans les tourments de l’âme de Didon et entraîne le spectateur dans une tempête émotionnelle aussi sombre qu’envoûtante.
Au-delà du récit
Dans un décor bourgeois à deux étages – la chambre de Didon surplombée par celle du Parlement – symbolisant les deux facettes – publique et intime – de la reine, les amours se font et se défont. La tragédie s’installe imperceptiblement. Mais c’est en brouillant les pistes que Franck Chartier parvient à décaler le propos et à faire de ce mythe antique un drame contemporain. Dédoublant les rôles jusqu’à la confusion, il imagine une mise en abyme du spectacle en proposant une comédienne interprétant la souveraine délaissée, une chanteuse superposant sa voix à celle de l’actrice et une danseuse incarnant les tourments de la monarque amoureuse. Les récits se croisent et se tissent ainsi sur plusieurs niveaux.
L’effet déroute d’abord, puis interroge, mais l’esthétisme quasi cinématographique de la mise en scène confère à l’ensemble toute sa dimension opératique. Radicale et totale, cette adaptation de Didon et Énée transcende l’impossibilité d’un amour que des forces supérieures condamnent. Prisonnière de la promesse faite à son premier mari, la reine de Carthage n’a plus le droit d’aimer. Elle a beau enrager, les dieux et quelques sorcières sont là pour l’empêcher de se parjurer, quitte à déclencher orages et tempêtes qui ébranlent autant le décor que son état mental.
Des artistes éblouissants
Conjuguant habilement la partition originale de Purcell, interprétée en direct par Le Concert d’Astrée sous la direction d’Emmanuelle Haïm et des compositions contemporaines imaginées par Atsushi Sakai, l’œuvre revisitée par Peeping Tom est d’une beauté sidérante. Il faut simplement accepter de lâcher prise et se laisser porter par la voix sublime de la mezzo-soprano fribourgeoise Marie-Claude Chappuis, le jeu tout en mélancolie introspective de l’intense Eurudike de Beul, et la présence scénique lumineuse des artistes de la compagnie.
Déconcerté, désarçonné ou troublé, le public ne sait pas toujours à quel saint se vouer. Il se perd parfois dans les méandres d’un récit à plusieurs strates, mais finit par se laisser totalement envoûter par la maestria de la mise en scène et le talent fou de cette troupe décidément inventive, intrépide et follement singulière !
Didon et Énée en enfer
Jacques Schmitt – ResMusica.com – 23 février 2025
source: https://www.resmusica.com/2025/02/23/a-geneve-didon-et-enee-en-enfer/
Victime de la fermeture des théâtres durant l'épidémie de Covid, ce Didon et Énée de Purcell présenté en streaming en mai 2021 retrouve le public du Grand Théâtre de Genève.
Notre compte-rendu de l'époque de cette création lyrique était pour le moins élogieux. Le spectacle télévisuel avec ses choix de séquences, ses gros plans et son désir de montrer avait logiquement charmé sinon intéressé le spectateur du petit écran. Nos lignes d'alors décrivent amplement le propos scénique du metteur en scène Frank Chartier. Qu'en est-il aujourd'hui de la réaction du spectateur assis dans le théâtre avec sa vision embrassant toute l'ouverture de la scène ? Le sentiment qu'on peut avoir à l'issue de la représentation diffère sensiblement de ce que la télévision nous avait fait apprécier. Non pas que cette reprise a été revue ou transformée depuis sa présentation originale mais l'intention scénique montre un autre spectacle que celui vu sur les écrans de la télévision.
En effet, ce spectacle s'affirme comme une pièce de théâtre avec quelques similitudes au drame virgilien ayant servi à la trame du Didon et Énée de Purcell. Dans cette production, l'opéra, l'œuvre lyrique elle-même, n'est qu'un « décor » à la pièce que Frank Chartier nous présente. En effet, toute la mise en scène est concentrée sur les personnages de la troupe Peeping Tom alors que les protagonistes de l'opéra de Purcell n'apparaissent qu'ébauchés, comme présents pour le seul plaisir des oreilles de Didi (formidable Eurudike De Beul), celle qu'on présenterait comme le double de Didon. Sur la scène, la troupe que dirige Frank Chartier est remarquable. Les danseurs-comédiens se dépensent sans compter pour habiter l'espace. Leurs danses, leurs facéties sont réglées au cordeau et ne laissent aucun doute sur les talents qui composent cet ensemble. Si certaines roulades, cabrioles tiennent plus du cirque que du théâtre, voire de l'opéra, elles sont néanmoins traitées avec une grande classe. Certaines saynètes font mouche avec le public à l'image de cette jeune femme servant le thé à Énée avec une théière ne cessant de délivrer son nectar dans une tasse trop petite. Du music hall. Des scènes étranges autant qu'insolites, comme ce personnage qu'on élève vers les cintres ou ce violoncelliste et son instrument qu'on recouvre de mousse.
Si on se sert de l'opéra Didon et Énée de Purcell pour meubler le propos scénique de Frank Chartier, fort heureusement ce dernier jouit de sa propre musique. Une musique signée et dirigée par Atsushi Sakaï, le continuiste occasionnel de l'orchestre du Concert d'Astrée. D'abord faite principalement de longs accords, cette musique aux accents post-classique ne s'affirme comme un véritable accompagnement dramatique que lors de l'ultime et terrifiante scène.
L'entrecoupage de l'action musicale de Purcell par les scènes de la compagnie Peeping Tom nuit considérablement à l'unité du chant. Ainsi les trois actes de cet opéra, qui ne durent qu'une cinquantaine de minutes, sont enchaînés dans un même décor avec des protagonistes vêtus des mêmes costumes. Pour qui ne connait pas l'intrigue et la psyché des personnages, difficile d'en apprécier les chants, les ambiances qu'ils génèrent. Ainsi, l'air final When I am laid in earth (Quand je serai enterrée), chef d'œuvre absolu du chant, ne suscite guère l'émotion qu'on pourrait attendre d'une si dramatique complainte. Non pas de la faute de Marie-Claude Chappuis (Didon) toute empreinte de la noblesse de son personnage, au chant pourtant soigné et soyeux à souhait, mais parce qu'il arrive au milieu du parasitage d'une scène apocalyptique de corps dénudés, de danses lascives, de suffocants brouillards, de lumières éblouissantes, d'un enfer peu propice à l'expression douloureuse de la mort approchant. Et que dire des autres protagonistes de cet opéra ? Vocalement très bien préparées, les deux sopranos Francesca Aspromonte (Belinda/Deuxième sorcière) et Yuliia Zasimova (Première sorcière/Deuxième dame) laissent difficilement entrevoir leurs rôles respectifs par manque de direction d'acteurs. De son côté, le beau baryton de Jarrett Ott (Énée) compose un personnage bien en place.
La palme musicale revient toutefois à Emmanuelle Haïm et à son ensemble Le Concert d'Astrée. Quelle musicalité, quelle énergie elle dispense à sa direction d'orchestre ! Un son d'une puissance, d'un corps, d'une solidité incroyables. Et comment ne pas associer à cette intensité musicale, la prestation d'une précision et d'une musicalité impressionnantes du Chœur du Grand Théâtre de Genève que la cheffe française n'a pas manqué de saluer avec des grands gestes de déférence au moment des saluts ?
En résumé, si le spectacle présenté au Grand Théâtre de Genève reste d'une qualité interprétative remarquable, le public l'applaudit avec politesse, soulignant ainsi son relatif désarroi quant à l'opportunité de ces plus de quarante cinq minutes de spectacle annexe à l'opéra de Purcell. Questionnés à l'issue du spectacle, quelques amateurs d'opéra avouent s'être trouvés décontenancés, surpris, choqués parfois, conscients cependant que la place de l'opéra aujourd'hui ne semble plus réservée aux chanteurs, aux stars lyriques, mais à la vison décalée, transgressive d'un répertoire déconstruit pour imposer la vue d'un metteur en scène soucieux de sensationnel.