Anna Bolena
Gaetano Donizetti
« Tous disent qu’ils ne se souviennent pas avoir été présents à un triomphe aussi éclatant. J’étais si heureux que j’avais envie de pleurer. » C’est ainsi que Gaetano Donizetti décrit à sa femme l’accueil fait à Anna Bolena, son vingt-neuvième opéra composé en moins d’un mois. Le livret de Felice Romani, un des librettistes les plus doués de l’époque, lui offrait des personnages d’une grande force confrontés à des situations d’une étonnante puissance dramatique. Le douloureux chemin que doit suivre inéluctablement Anna Bolena, condamnée à une mort décidée d’avance au mépris de toute justice, constitue la trame de cet ouvrage qui marque l’entrée de l’opéra italien dans l’ère nouvelle du romantisme. Donizetti, débarrassé de l’influence rossinienne, parvient à renouveler son écriture musicale pour réaliser un accord parfait entre l’art du bel canto et l’émotion théâtrale portée par des personnages bouleversants.
La célèbre Giuditta Pasta, première interprète de Norma et de la Somnambule, devait créer le rôle-titre. Donizetti s’imprégna pleinement de toutes les ressources qu’offrait cette voix très particulière à la tessiture de soprano dramatique colorature. Le défi que constitue une partition semée de multiples difficultés vocales, ajouté au désintérêt progressif pour un univers jugé grandiloquent et artificiel, peuvent expliquer la disparition de l’ouvrage depuis la fin du XIXème siècle - jusqu’à son éclatante résurrection en 1957 à la Scala : Maria Callas, au timbre de soprano ample capable de vocaliser avec le plus grand raffinement, et la somptueuse mise en scène de Luchino Visconti, firent alors renaître triomphalement Anna Bolena, chef-d’œuvre du bel canto romantique.
Catherine Duault