Justice
Hèctor Parra
La deuxième incursion dans l'opéra du plus connu des metteurs en scène suisses Milo Rau ne pouvait pas échapper à sa recherche de la forme théâtrale comme discours politique sur le monde actuel.
Nous sommes en République démocratique du Congo. Février 2019. Un camion-citerne transportant de l'acide percute un bus sur une route du Katanga, entre Lubumbashi et Kolwezi. Résultat : plus de vingt morts et de nombreux blessés. L'acide coule jusqu'à la rivière avoisinante, ce même acide qui est utilisé dans le traitement des minerais tandis que l'infrastructure routière de cette région minière au sud du Congo est, soit en mauvais é tat, soit inexistante.
Choisissant un é vénement impliquant une multinationale suisse en RDC, voici une œuvre chorale et élégiaque sur le destin de ce village, de ces destins étripés et, au-delà, une réflexion sur les forces du bien et du mal et les intérêts des uns et des autres. Entre ONG et multinationales, pouvoirs politiques et populations locales, l'imbroglio de la responsabilité semble bien raffiné... Fantômes et victimes, coupables et faux-coupables se mêlent aux mythes et légendes de cette terre aussi riche en récits qu'en minerais dans cette danse macabre animée par le livret de l'écrivain congolais Fiston Mwanza Mujila et du metteur en scène.
Quant au compositeur catalan Hèctor Parra, on ne compte plus ses adaptations si fournies musicalement d'ouvrages littéraires vers la forme lyrique. Citons comme exemple Les Bienveillantes, opéra basé sur le roman homonyme de Jonathan Littell, créé à Anvers en 2019. Sa musique résiste à incorporer le bruit à l'état pur et se construit à la limite du plaisir et de la douleur. Sa force vous prend aux tripes tandis que sa capacité évocatrice et expressive s'écrit dans un langage poli et une architecture compacte. Les créations de Milo Rau, essayiste, réalisateur et metteur en scène, sont nourries d'enquêtes sociohistoriques et documentaires. Il a fondé son propre format théâtral entre le genre du théâtre narratif et le tribunal.
GTG