La Pucelle d'Orléans

Jeanne d'Arc avait fasciné et ému Tchaïkovski depuis son enfance. Il avait même songé à écrire sa biographie [...]. Au cours de l'année 1878, quelques mois après avoir terminé Eugène Onéguine, il était à la recherche d'un nouveau sujet d'opéra [...] Sa décision est prise : ce sera la Pucelle d'Orléans. [...] Rappelons que dans la rocambolesque Jungfrau von Orleans de Schiller, Jeanne s'éprend du chevalier de Bourgogne Lionel, ennemi de la France, s'échappe miraculeusement de prison, et meurt non pas sur le bûcher mais sur le champ de bataille. Gardant effectivement de Schiller l'essentiel de son action, Tchïkovski s'inscrira en faux contre son dénouvement et reviendra dans le tableau final aux faits historiques. [...] Il se rapproche du grand opéra à la française, concentrant ses efforts sur les scènes de masse, les effets spectaculaires (marches, orchestre militaire, orgue, double choeur) et le ballet de l'acte II, l'un des plus développés qu'il ait jamais écrits. L'invention mélodique n'est pas toujours des plus élevées, même si l'air de Jeanne (acte I), souvent exécuté séparément, peut compter parmi les pages les plus réussies de l'opéra grâce à la finesse de ses inflexions chromatiques. Considéré dans sa totalité, l'ouvrage reste assez peu populaire, tant dans son pays qu'à l'étranger. Pourtant, quelle que soit la part de fabulation dans l'argument et la logique douteuse qui fait découler la mort de Jeanne de la "traîtrise" que constitue son amour pour Lionel, le sujet avait suffisamment bouleversé le compositeur pour lui faire verser des larmes sur le sort de son héroïne.

André Lischke