L'Enlèvement au sérail
Titre original
Die Entführung aus dem Serail
Wolfgang Amadeus Mozart
C'est l'histoire d'une jeune Européenne enlevée par des pirates, prisonnière d'un pacha et délivrée par son amoureux qui parvient à retrouver sa trace, à s'introduire à la cour du despote et à organiser sa fuite. A ce schéma de base s'ajoutent d'autres éléments, en particulier la présence d'un couple de serviteurs qui, au registre inférieur, sert de double au couple principal. Et puis il y a Osmin, le truculent et inquiétant gardien du sérail. Quant au pacha lui-même, c'est une figure douloureuse de soupirant éconduit et de souverain généreux qui renouvelle et enrichit la donnée de base.
Depuis que Molière et Lully ont donné dans leur Bourgeois gentilhomme l'archétype de la turquerie, depuis que Montesquieu a joué sur l'exotisme et ses jeux de miroir dans les Lettres persanes, depuis bien d'autres exemples dans la littérature et la musique, la turquerie n'en finit pas d'être à la mode en ce XVIIIe siècle. En 1683, à la bataille du Kahlenberg, à quelques lieues au nord de Vienne, les troupes impériales avaient réussi à repousser l'armée ottomane et à lever le siège établi par les Turcs sous les murs de la capitale, menaçant l'existence même de l'Empire.
Quand Mozart écrit son Enlèvement au sérail, le souvenir du siège de Vienne est loin d'être oublié, et les Turcs restent une possible menace aux frontières de l'empire. Le meilleur moyen de neutraliser une angoisse, c'est de l'apprivoiser par le rire. Dès lors la musique turque est objet d'amusement, mais n'en reste pas moins attachée à l'évocation d'un conflit latent avec un ennemi dont on préfère rire en espérant qu'on aura pas à en pleurer.
Pierre Michot, extrait de Mozart Opéras, mode d’emploi